Elle est arrivée « vers la fin Octobre » 1619 sur les côtes du Nouveau Monde dans la première cargaison d’Africains , hommes, femmes et enfants, vendus comme « esclaves », victimes de trafics entre potentats locaux et Européens et

Elle était originaire du Royaume du Congo qui couvrait  à cette époque là les territoires des Etats actuels des deux Congo et de l’Angola.

Angéla ne fut pas la première victime africaine de trafic esclavagiste. Les Portugais et les Espagnols livraient déjà des esclaves depuis près de deux siècles à  leurs colonies de l’Amérique du Sud, au Brésil et à Cuba.

La « traite arabe » sévissait déjà dés le 7eme siècle et envoyait, à travers le Sahara et l’Océan Indien, des Africains mis en esclavage vers tout le monde arabe, de la Mecque, à Constantinople, à Cordoue jusqu’en Inde.

Angéla est le symbole du commerce triangulaire, « la traite Atlantique » qui aboutira d’une part à l’effondrement de la civilisation africaine et d’autre part au développement extraordinaire de l’Europe et des Etats d’Amérique.

Le journaliste et historien britannique Basile Davidson a montré dans l’Afrique avant les Blancs comment la civilisation qui s’était développée dans toute l’Afrique, de la Nubie, aux régions occidentales, orientales et méridionales du continent, autour d’Etats commerçants, structurés, maitrisant déjà l industrie du fer, est tombée en décadence très rapidement dés le 16eme siècle à la suite de l’introduction de la traite atlantique.

L’historien guyannais (de Guyana) Walter Rodney démontre dans son ouvrage Et l’Europe sous développa l’Afrique que c’est à partir de la traite Atlantique, avec la destruction des Etats, la ponction humaine des forces vives de l’Afrique, (qu’il estime à entre 10 et 10 millions), l’imposition de la guerre permanente, la réorientation du commerce puis la colonisation et la néo colonisation que l’Afrique a été dépossédée de son destin historique et a été ainsi « sous développée ».

L’écrivain et homme politique français André Malraux disait qu’avec les deux guerres mondiales, l’Europe a compris que « les civilisations sont mortelles ».

Les Africains eux, ont éprouvé dans leur chair et leur sang la tentative de tuer leur civilisation.

Car c’est à un véritable génocide, culturel et physique, que les Africains ont fait face de la traite négrière, à la partition du continent, comme une dépouille, aux guerres coloniales, au colonialisme puis au néocolonialisme qui sévit encore aujourd’hui.

Angéla c’est donc le symbole de cet âge des ténèbres,  pendant lequel l’Afrique s’est effondrée et les Africains dénués de leur humanité partout dans le monde.

Mais Angéla c’est aussi la formidable résistance des Africains qui ont survécu aux génocides et participé aux premiers rangs des bâtisseurs de l’humanité de ce siècle.

Au plus fort de la ségrégation, entre les deux guerres, face aux lynchages, l’un des hérauts de la Harlem Renaissance, Claude McKay écrivait ainsi : « Si nous devons mourir, Mourons donc noblement / Que notre sang précieux ne soit pas versé/En vain, alors même les monstres que nous défions/Serons contraints de nous honorer même morts ».

Les fils et petits fils d’esclaves ont non seulement survécu mais ils ont apporté une contribution décisive à la civilisation humaine.

Que serait en effet la civilisation industrielle sans le génie des hommes et des femmes qui ont brisé leurs chaines et tels Prométhée se sont emparé de la science et ont apporté à l’humanité leur contribution impérissable ?   La liste longue de Lewis Howard Latimer qui a inventé l’ampoule électrique, à Sarah Boone (le fer à repasser électrique), à Dr Charles R.Drew (la banque de sang), à Benjamin Banneker qui conçu et réalisé la planification urbaine de la capitale des Etats Unis d’Amérique (et crée la première horloge du pays).

Que serait aujourd’hui l’art et la culture de l’humanité si l’Afrique et ses descendants du Nouveau Monde n’y avaient contribué ?

La peinture et la sculpture classique de l’Europe aurait elle pu engendrer le cubisme (Marc Jacob, George Braque, Picasso) ?

Imagine t-on  la musique contemporaine sans les apports du blues et du jazz ?

Un monde qui n’aura enfanté ni Louis Amstrong, ni Ella Fitzgerald, ni Celia Cruz, ni Gilberto Gil  ni Charlie Parker n’aurait certainement pas ressemblé à celui dans lequel nous vivons aujourd’hui.

Attention il ne s’agit pas ici d’une quelconque glorification du génie négre.

Cette époque est révolue.

Il s’agit aujourd’hui et maintenant de parachever la libération de l’Afrique dans sa globalité, y compris ses diasporas,  pour qu’elle prenne sa juste place dans le concert des Nations.

Pour cela, il convient de se souvenir et de célébrer.

C’est pourquoi il est indiqué de célébrer Angéla tout en marquant cette cette année le 400eme anniversaire de l’effondrement de l’Afrique.

Angéla Davis sur la traite triangulaire
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